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RAGE AGAINST THE MACHINE. DE QUELQUES ACTES DE VANDALISME CONTRE DES ROBOTS

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NEWS NEWS NEWS Rapport d’étonnement. Le 18 mars, une voiture autonome Uber a heurté une passante de 49 ans dans la banlieue de Phoenix (Arizona). Elle est morte. Des réactions de colère contre différents robots ont été recensées dans plusieurs villes américaines (publié dans Le MONDE IDÉES).

Le 2 janvier, dans le quartier Mission District de San Francisco (Californie), rapporte le Los Angeles Times du 5 mars, un homme ­furieux a traversé Valencia Street pour s’en prendre à une voiture sans chauffeur Chevrolet Bolt de General Motors Cruise. En criant, il a donné plusieurs coups contre le pare-chocs arrière, puis a cogné son corps contre la tôle, endommageant un feu de position. Un employé était dans la voiture, comme l’exige pour l’instant la loi californienne.

Le 28 janvier, toujours à San Francisco, une autre voiture autonome a été attaquée par un chauffeur de taxi. L’homme a quitté son véhicule, frappé et éraflé la vitre du passager, puis est reparti. Et le premier accident mortel causé par une voiture autonome Uber, qui a heurté le 18 mars une passante de 49 ans dans la banlieue de Phoenix (Arizona), ne va pas calmer les choses.

Lire aussi :   Etats-Unis : un véhicule autonome d’Uber provoque la mort une piétonne

Ce n’est pas la première fois que des robots autonomes sont pris à partie en Californie, à l’avant-garde des ­expériences publiques en ce domaine. En octobre 2017, la SPCA de San Francisco (une société protectrice des ­animaux) a fait patrouiller un robot de sécurité autour de ses locaux. Imaginez un grand réfrigérateur à rou­lettes de 1,50 m, pesant 180 kg, équipé de quatre caméras enregistreuses, « capable », assure son fabricant, ­Knightscope, « de lire 300 plaques d’immatriculation par minute » et d’envoyer « des alertes » lorsqu’il repère « des intrus » ou « des personnes préenregistrées sur une liste noire » – dix-neuf clients, usines, centres commerciaux et lotissements, l’utilisent déjà à travers les Etats-Unis.

Le robot patrouilleur Knightscope. Simulation. DR

Ce robot patrouilleur a été mis en place par la charitable SPCA en vue d’intimider les sans-abri installés sous des tentes dans ce quartier populaire en voie de gentrification. Quand leur initiative a été connue, elle a aussitôt soulevé une vague d’indignation dans plusieurs journaux franciscains et sur le Net. Sans hésiter, certains ont appelé au vandalisme. Des sans-abri sont passés à l’acte : ils ont jeté une bâche sur le robot et barbouillé ses ­capteurs de sauce barbecue, l’aveuglant. Finalement, le 1er décembre 2017, la ville de San Francisco a ordonné à la SPCA de retirer son « bot » patrouilleur des trottoirs.

Ces « Uber du trottoir »

Les robots livreurs de San Francisco très critiqués. DR

Le 5 décembre, la mairie a aussi interdit le centre-ville aux robots livreurs, des espèces de landaus montés sur six roues, de plus en plus nombreux, qui portent à leurs clients des plats préparés, des colis ou des médicaments, en se faufilant entre les passants. « Toutes les innovations ne sont pas bonnes pour la société (…), a ironisé ­l’adjoint au maire, Norman Yee. Nous ne tenons pas à avoir la chance d’aller au travail sans être écrasé par un robot… » Son bureau, a-t-il assuré, était plein de photos prises par des habitants en colère montrant ces robots obstruant les trottoirs, bloquant le passage de poussettes et de piétons. Il a préféré en limiter l’usage avant qu’ils ne soient, à leur tour, vandalisés.

De son côté, une association de défenseurs des droits des piétons et des personnes âgées de San Francisco ­dénonçait avec virulence ces « Uber du trottoir » qui en arrivent à « repousser les passants au milieu des voitures », et déclarait : « Les trottoirs ne sont pas des terrains de jeu pour les nouveaux jouets ­télécommandés » de ceux qui « veulent éliminer des ­emplois ». D’autres se sont moqués : « Vous n’avez pas besoin d’un robot pour vous faire livrer un sandwich… Descendez et achetez-le vous-même ! » Certains déplacent le débat sur un autre terrain : « Les robots sont-ils nécessaires ? Ce n’est peut-être pas seulement notre sécurité qui est menacée… C’est aussi notre humanité. »

Dès qu’ils deviennent intrusifs, remplacent des métiers où les humains sont appréciés, accaparent les rues, les robots n’ont plus bonne presse. Renia Ehrenfeucht, professeure d’études urbaines à l’université de La Nouvelle-Orléans, s’inquiète : « S’il y a demain des centaines de petits robots, les trottoirs seront utilisés comme des pistes cyclables. Ils cesseront d’être des espaces dis­ponibles pour jouer ou pour s’asseoir. »

Dès lors, les actes de rejet ou de destruction pourraient se multiplier, comme à l’époque des luddites, du nom de l’apprenti Ned Ludd, qui en 1779, à Leicester, en Angleterre, brisa un métier à tisser. Son geste inspira en 1811 et en 1812, dans le Yorkshire et le Lancashire, une série d’émeutes et de grèves accompagnées de destructions de machines menées par des ouvriers du textile inquiets d’être remplacés définitivement par des machines. Ce qui fut le cas.

A San Francisco, réfléchissant à la multiplication des ­robots dans les villes, Renia Ehrenfeucht, coauteure de Sidewalks. Conflict and Negociation over Public Space (« trottoirs, conflit et négociation dans l’espace public », The MIT Press, 2009, non traduit), tire cette leçon : « Une fois que nous abandonnons l’espace aux machines, il devient difficile de le récupérer. »


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